La vie des compagnons – Houdheyfah ibn Al Yamaan – Introduction : la bataille du fossé
Dans ce deuxième épisode de la vie des compagnons, nous parlerons du grand compagnon du prophète صلى الله عليه وسلم, Houdheyfah ibn Al Yamaan رضي الله عنه.
Nous commencerons par évoquer cette rencontre entre Houdheyfah et un homme de Koufa (ville irakienne aujourd’hui).
Les épisodes de la vie des compagnons sont tirés du travail réalisé par le Dr. Yasir Qadhi (diplômé de l’Université de Médine – qu’Allah le préserve). Pour visionner l’original en anglais, vous pouvez cliquez ici : https://www.youtube.com/watch?v=uNykxP1VQro
Ci-dessous, vous retrouverez la retranscription de cette introduction.
La vie des compagnons – Houdheyfah ibn Al Yamaan – Introduction : l’anecdote de la bataille du fossé
Bismillahi-r-Rahmani-r-Rahim [Au nom d’Allah, le Tout-Miséricordieux, le Très-Miséricordieux (envers les soumis à Lui)]
Alhamdoulillah, wa salatou wa sallam ‘ala rassoulillah wa ‘ala alihi wa sahbihi wa man wala [Louanges à Allah, prière et paix au messager d’Allah ainsi qu’à sa famille, à ses compagnons, et à ceux qui le suivent]
Aujourd’hui nous allons parler d’un grand compagnon, celui à qui le prophète avait donné la liste des hypocrites de Médine, on l’appelait le « gardien des secrets » du prophète.
En guise d’introduction, nous allons commencer par parler d’une anecdote qui eut lieu après la mort du prophète, à l’époque de ‘Outhmane.
L’homme de Koufa
Houdheyfah se trouvait dans la ville de Koufa (qui se situe dans l’Irak d’aujourd’hui).
Un homme vint le voir, et il lui dit : « As-tu tenu compagnie au prophète ? », il répondit : « Oui », alors l’homme reprit : « Comment toi et les autres, vous vous comportiez par rapport à lui ? », il répondit : « Nous faisions au mieux pour l’aider », et cet homme, qui n’était pas un compagnon, reprit la parole et dit : « Par Allah ! Si j’avais pu rencontrer le prophète, je ne lui aurais pas permis de marcher sur le sol, et je l’aurais porté sur mon dos. »
Ce qu’il voulait dire, c’est que lui aurait pu faire davantage par rapport au prophète que ce que les compagnons ont fait. C’était donc une forme de critique.
La réponse de Houdheyfah à cet homme
Alors Houdheyfah répondit calmement : « Ya bouney [Ô mon fiston] – je me rappelle d’un temps où nous étions avec le prophète à l’époque de Khandaq [c’est-à-dire, la bataille de la tranchée / bataille des coalisés, à Médine], et c’était tard la nuit. Nous avons fait la prière avec lui, et alors il s’est retourné et a demandé : « Qui est partant pour aller chez l’ennemi, revenir, et nous dire où en est la situation, et que je fasse une invocation pour lui afin qu’il soit mon compagnon au Paradis ? », et pas un seul d’entre nous ne s’est levé. Alors nous avons prié encore une fois, deux raka’at [unités de prière]. Alors il posa de nouveau la question, et personne ne se leva. Et encore une fois, on fit deux nouvelles raka’at, et ce fut la même chose. »
Pourquoi cette inaction ?
Houdheyfah explique : « À cause de la faim extrême, du grand froid, et d’une peur terrible ». Pas un seul des compagnons ne répondit donc à l’appel du prophète.
Alors le prophète dit « Ô Houdheyfah ! » et Houdheyfah raconte qu’il n’a pas pu ignorer cet appel car il l’avait mentionné par son nom.
Alors Houdheyfah répondit « Oui, messager d’Allah », et le prophète lui commanda : « Vas-y ! ».
Contexte : la bataille des Coalisés (Al-Ahzab)
Précisons donc l’événement raconté par Houdheyfah : il s’agit de la bataille des Coalisés, aussi appelée la bataille de la tranchée / bataille du fossé, eut lieu 5 ans après l’Hégire, en 627.
Pour cette bataille, les tribus polythéistes se sont liguées afin d’assiéger Médine et en terminer avec les musulmans. Le siège dura plus d’un mois, et les deux camps étaient à court de nourriture à la fin.
C’était une bataille très tendue, puisque les Médinois étaient 3 000 hommes environ, et étaient assiégés par 10 000 hommes. De plus, la tribu juive des Banou Qourayzah trahit son pacte qui les unissait aux musulmans, créant une brèche dans laquelle les ennemis pouvaient s’engouffrer. D’ailleurs, pendant cette bataille, un homme d’une tribu adverse, Nou’aim, a embrassé l’islam secrètement, et est allé voir le prophète pour lui demander comment il pouvait lui rendre service. Ce dernier lui conseilla de retourner à sa tribu et de semer la mésentente entre les tribus adverses.
Il partit donc, et plus tard les musulmans n’eurent plus de nouvelles de lui, étant donné qu’il ne pouvait pas revenir. Il fallait donc une personne pour aller s’informer de l’ennemi et voir si le plan avait fonctionné, et la personne désignée fut donc Houdheyfah. Le prophète lui demanda donc d’y aller, mais de ne rien faire sur place tant qu’il ne serait pas revenu parmi les musulmans ; devait simplement observer et écouter.
Houdheyfah réussit à passer au camp adverse dans la nuit noire, et alors il entendit un grand appel pour se réunir : les ennemis organisèrent une assemblée au milieu de la nuit.
L’allocution d’Abou Soufyan
Abou Soufyan, qui était encore un ennemi des musulmans, se leva alors et dit en premier lieu : « Vérifiez entre vous que vous êtes bien de la tribu des Qoraïch, pour voir s’il n’y a pas un traître glissé parmi nous ».
Immédiatement, Houdheyfah attrapa l’homme à côté de lui et le secoua en disant : « Qui es-tu ?! » L’autre homme fut très surpris et répondit à la question, et n’eut pas le réflexe de retourner la question (il a reconnu l’autorité de l’autre personne et inconsciemment n’a pas osé lui poser la question). Alors Abou Soufyan reprit la parole : « Il semble que les Banou Qourayzah nous ont abandonnés. Nous avons passé beaucoup de temps ici, nos bêtes sont fatiguées et le temps est mauvais. De plus, nos denrées s’épuisent et il n’y a aucune victoire en vue. Puisque les Banou Qourayzah nous ont abandonnés, je vous suggère de les abandonner aussi et de retourner à la Mecque. »
Et devant Houdheyfah, Abou Soufyan sauta sur son chameau pour repartir. Houdheyfah raconte qu’à ce moment-là, il avait le champ libre ; il aurait pu décocher une flèche contre lui pour le tuer, mais finalement il suivit les instructions du prophète et ne lança aucune flèche. On sait que plus tard, Abou Soufyan deviendra musulman après la conquête de la Mecque.
La retraite des coalisés
Suite à cela, Houdheyfah retourna voir le prophète et le trouva en train de prier avec la couverture d’une de ses femmes sur le dos, car il faisait très froid. Le prophète vit Houdheyfah et il lui fit signe de venir, alors il vint à côté de lui pour prier. Le prophète partagea sa couverture en l’étendant en partie sur le dos de son compagnon.
Ils finirent de prier et alors Houdheyfah lui narra tout ce qu’il avait vu. Le lendemain matin, quand les compagnons se réveillèrent, la bataille du fossé était terminée, toutes les tribus Qoraïch étaient parties.
Cela avait été la pire nuit de la bataille, au cours de laquelle Allah avait envoyé un vent glacial et violent. D’ailleurs, un verset de la sourate des Coalisés en parle, c’est le verset 9 de la 33ème sourate, qui dit :
يَٰٓأَيُّهَا ٱلَّذِينَ ءَامَنُوا۟ ٱذْكُرُوا۟ نِعْمَةَ ٱللَّهِ عَلَيْكُمْ إِذْ جَآءَتْكُمْ جُنُودٌۭ فَأَرْسَلْنَا عَلَيْهِمْ رِيحًۭا وَجُنُودًۭا لَّمْ تَرَوْهَا ۚ وَكَانَ ٱللَّهُ بِمَا تَعْمَلُونَ بَصِيرًا
« Ô vous qui croyez ! Rappelez-vous le bienfait d’Allah sur vous, quand des troupes vous sont venues et que Nous avons envoyé contre elles un vent et des troupes que vous n’avez pas vues. »
En conclusion, Houdheyfah ici fait comprendre qu’il est facile de dire : « À leur place, j’aurais fait ceci ou cela ». Toujours est-il que nous n’étions pas présent lors de ce moment difficile, et que la situation était en réalité très compliquée.
Il ne faut pas oublier qu’il faisait nuit, c’était une nuit noire où on ne voit presque rien (pas comme aujourd’hui où la lumière est omniprésente). Et même si on était en Arabie, les nuits pouvaient être très froides. En l’occurence, au moment de la bataille, on sortait de l’hiver, en plus de ça il pleuvait semble-t-il. Bien évidemment, les musulmans étaient en danger de mort puisqu’ils étaient assiégés par l’ennemi.
Et en fait, c’est facile de juger pour nous, qui n’avons jamais été sur le champ de bataille, ou bien qui n’avons jamais vraiment ressenti la faim, pour la plupart.
À titre personnel, une fois lors d’un voyage j’étais à court d’argent, n’ayant plus de carte bancaire, et je ne pouvais plus m’acheter à manger pendant une courte période. Eh bien c’est un sentiment très étrange de ne pas pouvoir manger quand on a faim, tout en ne sachant pas quand on pourra manger (c’est différent du jeûne où on a une échéance).
Voilà pour l’événement en guise d’introduction sur Houdheyfah. Il s’agit d’une anecdote fort intéressante, qui permet de mieux cerner le rang de Houdheyfah, mais nous force aussi à l’humilité : comme on dit, « La critique est facile, l’art est difficile. »
Vous pouvez lire la suite de l’épisode ici : « Partie 1 : la vie d’Al Yamaan, le père de Houdheyfah«
Une réponse
Super comme affiche