La précision de la sourate 12 (Yoūssouf) : différence entre pharaon et roi
Dans ce texte, nous allons constater la perfection du Coran par l’utilisation de termes précis : dans la sourate 12 (Yoūssouf), on y parle d’un « roi » et non d’un « pharaon« , alors que l’histoire se passe en Égypte. Nous allons voir pourquoi.
L’un des personnages les plus mentionnés dans le Coran n’est pas un prophète : il s’agit de « pharaon » (en arabe : فِرْعَوْن [fir‛aoun]). Ce terme fait référence au monarque régnant au temps de Moūssā (Moïse), à l’époque où ce dernier vivait en Égypte (vers le XIIIème siècle avant J.-C.). « Pharaon » est un titre. Ainsi, le nom réel du pharaon de l’époque de Moūssā n’est pas mentionné ; certains ont estimé qu’il s’agissait du successeur de Ramsès II, Mérenptah / Mineptah [1], même si les versions diffèrent.
Chronologie : les prophètes Moūssā (Moïse) et Yoūssouf (Joseph)
L’Exode de Moūssā est estimé à environ 1250 avant J.-C.[2]. L’Encyclopaedia Judaica décrit Moūssā comme un « dirigeant, prophète, et transmetteur de la loi », qui vécut pendant la « première moitié du XIIIème siècle avant J.-C. »[3]
Moūssā n’est pas le seul prophète ayant séjourné en Égypte : ce fut également le cas de Yoūssouf (Joseph). Ce dernier y résida environ 400 ans plus tôt. Le professeur émérite en égyptologie, Kenneth Kitchen, situe en effet l’entrée de Yoūssouf en Égypte à la Seconde période intermédiaire (1674-1553 avant J.-C.).
L’histoire de Yoūssouf dans la sourate 12
L’histoire de Yoūssouf, fils de Ya‛qoūb (Jacob), est relatée dans la 12ème sourate. Le jeune Yoūssouf fut abandonné dans un puits par ses frères, alors qu’il était enfant. Puis il fut récupéré par une caravane qui le vendit comme esclave. Par la suite, il fut acheté par le trésorier du roi d’Égypte, surnommé « le puissant » ٱلۡعَزِيزِ [al-‛azīz][4]. Il devint son valet. Yoūssouf grandit et devint un homme d’une beauté extraordinaire, qui attira les convoitises de la femme du trésorier. Un jour, cette dernière lui proposa de s’enfermer avec lui dans une chambre, mais Yoūssouf refusa ces avances et tenta de fuir. En voulant le rattraper, elle déchira l’habit de l’homme et fut confondue devant son mari.
Par la suite, elle fut moquée par des femmes de haut rang, qui avaient eu vent de cette tentative de séduction ratée. L’épouse du trésorier les convia à un repas et, une fois réunies dans la salle, elles virent entrer Yoūssouf ; les femmes furent tellement enchantées par sa beauté que, sans s’en rendre compte, elles s’écorchèrent les doigts avec les couteaux prévus pour éplucher les fruits.
L’incarcération puis la libération de Yoūssouf
Nous apprenons dans la sourate 12 qu’après ces péripéties, Yoūssouf fut emprisonné. Quelques années plus tard, le roi d’Égypte prit connaissance de cette intrigue, et l’épouse du trésorier avoua ses torts, comme l’illustre ce passage :
« Il (le roi) dit (aux femmes de cour) : « Quelle était votre mission, lorsque vous faisiez la cour à Yoūssouf ? » Elles dirent : « Pureté à Allah ! Nous ne savons de lui aucun mal. » Et la femme du gouverneur dit : « La vérité s’est maintenant manifestée. C’est moi qui lui ai fait la cour. Et il est certes du nombre des véridiques ! » »
Coran, sourate 12, « Yoūssouf » (Joseph), verset 51
Plus tard, le roi, impressionné par la personnalité de Yoūssouf et ses aptitudes exceptionnelles (notamment l’interprétation des rêves) choisit alors de le libérer et décida d’en faire un de ses proches collaborateurs :
« Le roi dit : « Amenez-le-moi (Yoūssouf), afin qu’il soit à mon service. » Et lorsqu’il lui eut parlé, il dit : « Tu es aujourd’hui auprès de nous, établi et en sûreté. » »
Coran, sourate 12, « Yoūssouf » (Joseph), verset 54
En définitive, il est donc ici question d’un prophète (Yoūssouf), d’un trésorier [al-‛aziz :ٱلۡعَزِيزِ] et d’un roi d’Égypte.
« Roi » et « Pharaon » : pourquoi cette distinction ?
Le « roi », désigné en arabe par ٱلۡمَلِك [al-malik] est répété au total cinq fois dans la sourate. Il est à mettre en parallèle avec l’autre monarque d’Égypte, le pharaon [fir‛aoun : فِرْعَوْن], qui est répété plus de 80 fois dans le Coran, mais n’apparaît pas dans ce 12ème chapitre.
Deux termes différents
Pourquoi utiliser deux termes différents, « malik » d’un côté, et « fir‛aoun » de l’autre, pour désigner dans les deux cas un dirigeant d’Égypte ?
L’usage du mot « malik » dans le récit de Yoūssouf est cohérent : ce prophète vécut au XVIème siècle avant notre ère, à un moment où le terme « pharaon » n’était pas utilisé.
Explication : la présence des Hyksôs
À cette époque, le pouvoir égyptien est faible et les Hyksôs (peuple étranger d’origine sémitique et/ou asiatique) en profitent pour prendre le pouvoir, et fondent la XVème dynastie d’Égypte (vers 1650 avant J.-C.).
Fonctionnement de la dynastie des Hyksôs
Cette dynastie s’étendait autour du delta du Nil. Les rois avaient conservé l’organisation administrative existante, avec des fonctionnaires égyptiens. Les territoires soumis étaient assujettis à des impôts collectés par des « directeurs du trésor » portant un titre égyptien.
Bien que le pouvoir fût détenu par des étrangers, le peuple égyptien restait proche de sa culture et conservait un grand attachement à ses « divinités ». Des innovations furent apportées par le peuple Hyksôs, notamment les chars de combat et le métier à tisser vertical.
La fin des Hyksôs et l’adoption définitive du terme « pharaon »
Toutefois, beaucoup s’opposaient à cette ingérence étrangère ; les princes de Thèbes (ville du sud de l’Égypte), s’organisèrent pour bouter les Hyksôs hors d’Égypte. La lutte acharnée entre les deux royaumes conduira à l’expulsion définitive des Hyksôs, et à la libération du nord de l’Égypte. Une nouvelle période s’ouvrira alors avec la XVIIIème dynastie, fondée en -1552. À ce moment, la « Seconde période intermédiaire » se termine, et le « Nouveau Royaume » commence. Il durera de -1550 à -1292. L’Égypte connaîtra son apogée, avec des monarques aussi illustres qu’Akhénaton (de -1390 à -1330 environ) ou Toutankhamon (de -1350 à -1310 environ).
C’est à l’époque du « Nouveau Royaume » que le mot égyptien « pharaon » est utilisé pour désigner le monarque : il émane du terme égyptien « per-aâ » qui signifie « grande maison », désignant le palais royal.
Une distinction logique
L’usage du mot « roi » [malik] au lieu de « pharaon » [fir‛aoun] dans la 12ème sourate est donc tout à fait adapté : il n’y avait pas de pharaon à l’époque du prophète Yoūssouf, mais bien un roi. De plus, les directeurs du trésor avaient pris une place importante à cette époque, et l’homme puissant [al-‛azīz] qui s’occupait de Yoūssouf semble être le trésorier du roi, ce qui est en cohérence avec les informations historiques en notre possession.
L’usage du mot « pharaon » dans la sourate Yoūssouf eût été incorrect, c’est pour cela que le terme de « roi » est utilisé.
La perfection des termes utilisés dans le Coran
Cette cohérence des termes utilisés dans le Coran est frappante. Comment expliquer une telle précision, alors que les premiers versets ont été récités plus de 2 000 ans après les faits relatés, qui plus est en Arabie, à la Mecque, une ville comptant moins de 10 000 habitants ?
Certains répondront que le Coran a été copié sur la Bible ou la Torah, mais cet argument n’est pas valable. D’abord, aucune source n’atteste un accès des peuples arabes aux sources écrites de l’Ancien Testament. Ainsi, la plus ancienne version arabe de la Bible date du IXème siècle (traduite par le chrétien arabophone Hounayn ibn Iss-hāq).
Une distinction absente de l’Ancien Testament
Au-delà, la distinction des diptyques « roi – prophète Yoūssouf » / « pharaon – prophète Moūssā » n’existe pas dans l’Ancien Testament, et elle semble inconnue des historiens juifs. Au contraire, le texte de l’Ancien Testament assimile le roi au pharaon, comme le montrent ces paroles de Joseph à ses frères : « Voici comment vous serez éprouvés. Par la vie de Pharaon ! Vous ne sortirez point d’ici avant que votre jeune frère ne soit venu. » (Genèse, chapitre 42, verset 15)
On peut encore citer cet autre passage, lorsque Juda s’adresse à son frère Joseph : « Tu es comme Pharaon. » (Genèse, chapitre 44, verset 18)
Ainsi, le choix judicieux de certains mots au détriment d’autres, comme nous le voyons dans cette sourate, illustre la justesse et la précision du Coran.
Si vous êtes intéressé(e) par ces aspects singuliers du Coran, nous vous invitons à découvrir notre livre « Miracles et signes divins dans le Coran » :
[1] Pour plus de précisions, voir les travaux du professeur Maurice Bucaille
[2] « Moïse », dans Dictionnaire des noms propres et lieux de la Bible, O. Oderlain et R. Séguineau, 1981
[3] « Moïse » dans Encyclopaedia Judaica, 1971, vol. 12
[4] voir sourate 12, verset 30, pour une occurrence de ce terme
4 réponses
Super comme affiche
merci
merci
Je suis nouveau dans l’islam
J’aimerais apprendre davantage